Son Histoire

De la route on l'entrevoit seulement, caché sous d'amples frondaisons. Mais dès qu'on le découvre, on est frappé par la lumière qui émane de la façade de pierre blanche. Ici, le solide calcaire turonien d'Angoulême reconnaissable à ses nombreux fossiles et à son aptitude à bien vieillir sans noircir, a été préféré à la pierre de Sireuil. Puis cette première impression visuelle s'estompe, et on est frappé par la silhouette du château qui se détache élégamment dans le ciel vers lequel s'élancent des toits pointus surmontés de pinacles et recouverts d'ardoises. Les détails architecturaux apparaissent ensuite : bandeaux de pierre qui découpent horizontalement la façade, arcatures légères de briques rouges incrustées dans le mur, fenêtres élancées, porte d'entrée surmontée d'un arc en plein cintre ouvrant sur un petit perron. Le Château en impose, mais garde cependant l'aspect accueillant d'une gentilhommière. Côté Est, il s'enroule autour d'un grand escalier de pierre qui donne à l'édifice une certaine majesté. Impression tempérée par les lianes colorées de vigne vierge. L'influence anglaise est la plus évidente. L'ample bow-window côté ouest et les joints en relief des moellons du rez-de-jardin en portent témoignage. Posé là en pleine verdure au milieu d'un domaine d’un peu plus d’un hectare, il a aussi ce charme particulier des manoirs britanniques. A l'arrière un petit jardin à la française, souvent privilégié par les nouvelles fortunes, avait été planté. On peut relever des touches plus subtiles, sortes de clin d'œil à des cultures différentes. Volonté du maître des lieux ou fantaisie du constructeur ? Quoi qu'il en soit ces références rendent le bâtiment plus attachant encore. C'est ainsi qu'on peut noter : une silhouette générale en façade rappelant les villas de Deauville des toits à pans coupés que l'on retrouvera plus tard sur les villas des années trente, notamment dans la région de Royan, Saint Palais des décors mauresques faits d'arcades de briques rouges espacées brisant la tonalité blanche de la façade un balcon dit maltais à l'étage côté Sud. On rapporte que les femmes de marins de l'île de Malte faisaient installer des balcons à claire voie de ce type côté mer pour surveiller l'arrivée de leurs maris... et éloigner leurs amants. Une propriété très vaste, des occupants qui se succèdent Le Château a donc été construit par Pierre Mathieu-Bodet dans le parc qui prolonge la propriété de son père dont on voit encore le monumental portail d'entrée au Nord. La famille possédait une centaine d'hectares environ, une maison d'habitation cossue, un moulin surmonté d'un petit chalet décoré de carreaux de faïence vernissés, une orangerie, une serre, un vivier, une cressonnière… Et donc au sud, un parc où on se rend par une allée de marronniers qui longe la route, anciennement l’allée cavalière. L'ensemble comporte également une exploitation agricole dont le portail est daté de 1861. Parmi les derniers fermiers des Mathieu-Bodet, la famille Dewulf originaire de Belgique possédait quatre chevaux, équipage rare à l'époque. Lors de la dernière guerre ce sont également des réfugiés belges qui ont habité le chalet. Le moulin, qui a fait la richesse des Mathieu-Bodet, était alimenté par une dérivation du cours d'eau : on fermait la pelle pour envoyer l'eau vers le moulin par la grille qui arrêtait les objets susceptibles d'endommager la roue. Aujourd’hui, la propriété est partagée en deux dont le Château occupe la partie sud. La dernière héritière connue est une Demoiselle Mathieu-Bodet, probablement une fille de Pierre-Marie, donc petite-fille de Pierre. Elle héritera du château et des propriétés, mais n’étant pas mariée et sans enfant, elle louera d'abord, puis vendra l'ensemble. Les différents occupants : Avant la dernière guerre, elle loue à la famille Deschamps, riches propriétaires des salles de cinéma d'Angoulême. On se souvient de leur passage puisqu'avec leur générateur personnel ils feront installer l'électricité dans tout le village. Dans les bourgs elle n'arrivera qu'au début des années cinquante. Et comme la famille recevait beaucoup, les fêtes paraissaient somptueuses, une débauche de guirlandes installées dans les grands cèdres illuminant le parc. Celui-ci était ouvert en permanence comme un véritable jardin public et servait de terrain d'aventure aux enfants de Moulède. Mais le plus spectaculaire, et ce qui a marqué le plus les témoins de l'époque, c'est que M. Deschamps avait un petit avion qui atterrissait dans un pré lui appartenant, côté Fléac. Plus tard, vers 1944, c'est la famille Morillère qui louera le château. Après la guerre, M. Jacquet, propriétaire en Algérie, achète l’ensemble des terres et bâtiments, mais c'est sa mère qui l'habite. Petite, toujours vêtue de noir et plutôt tracassière, Elle était assez peu appréciée dans le village. C’est elle qui a fait installer la sonnette dans le plancher de la salle à manger pour appeler discrètement les domestiques. Puis ce sont deux sœurs arrivées du Maroc mariées à MM. Salvat et Curtil qui deviennent propriétaires. Le couple Lepage, qui était à leur service, avait treize enfants. Les Gadi, venus de Caen, achètent ensuite pour leur fils. Passionnées de nature, ils agrémentent de légumes et de fleurs les jardins « à la française ». La serre et l’orangerie étaient très utilisées. Leur fille était dentiste à Pons et venait régulièrement. Elle aimait jouer à la canasta sur le balcon du premier étage avec ses voisines et amies. A cette époque M. Jean était régisseur et M. Faye jardinier : Ce dernier habitait la maison à l'entrée du Château. Les Lagardère achètent aux Gadi à la fin des années cinquante. M. Lagardère sortait de prison et il se disait qu'il était ici pour « se mettre au vert » et se faire oublier. Effectivement, on les voyait peu et vivaient cloîtrés avec leur bonne. Ce sont eux qui ont remplacé la porte en bois de l’entrée où l’on peut apercevoir leurs initiales dans les ferronneries. Ils vendront les terres et les maisons attenantes à la famille Conti, ne gardant que le Château. Les Cisneros succèdent aux Lagardère. Ils sont propriétaires des brasseries du Champ de Mars à Angoulême, mais ils n'habitaient pas sur place, seul le jardinier M. Raffier entretenait le parc. Le Château sera mis en vente pendant environ dix ans. En 1986 c'est M. Hamon, originaire de Villebois-Lavalette, qui achète. Il vit en Afrique et veut réaménager le château pour son retour en France. Il refait le vivier et commence des travaux dans la maison qu'il ne terminera jamais. En effet, au retour de l'étranger, sa femme et sa fille refusent de venir habiter à Moulède. Le Château est alors inhabité pendant environ vingt-cinq ans. Il est mis en vente une nouvelle fois en 2000, acquis par Brian et Dominique Caton qui effectuent des travaux d’envergures pendant plusieurs années afin de réhabilité le rez-de-jardin, auparavant destiné aux domestiques. C’est avec eux qu’est née l’activité de chambres d’hôtes, accueillants voyageurs, voitures de collections et un tournage de série.

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